À l'origine, bande son d'une installation vidéo de Pipilotti Rist, I'm a victim of this song, reprise de Wicked Game. Malgré (ou grâce à) son étrangeté, je me surprends à l'écouter régulièrement :
Ça commence normalement puis ça part en vrille. Comme mes projets.
Tenir un journal se résume pour moi à une unique activité : décrire l'obstacle.
Qu'est-ce qui me bloque maintenant ? Qu'est-ce qui m'empêche d'être libre, heureux et créatif tout de suite ? Quelle embûche dissimulée entrave le prochain pas ?
Deux aspects essentiels :
D'abord, il s'agit uniquement de décrire. Pas de trouver une solution. Ni de chercher à s'amender. Je déterre l'obstacle et l'observe sous toutes les coutures ; je cherche ses ramifications en moi ; je me demande pourquoi il me gêne maintenant et de telle façon. Et puis c'est tout. Une fois le problème mis en lumière, je laisse d'autres forces intérieures se charger de le résoudre.
Ensuite, il s'agit d'un obstacle immédiat. Quelque chose qui m'empêche d'avancer tout de suite. Je ne cherche pas à régler la situation pour toujours. En cela, l'effort n'est ni théorique ni intellectuel, je m'occupe exclusivement de ce qui est devant moi, partant du principe que les difficultés suivantes seront gérées de la même façon : dans le présent, quand elles surviendront – si elles surviennent. On s'occupera du futur quand il sera là.
Pour cette raison, le journal fait partie de ma routine quotidienne depuis bientôt 3 ans, juste après la méditation, et constitue une étape essentielle de la journée pour rester en présence.
J'ai découvert que le café où je vais régulièrement et qui s'appelle "La Cave" a... une cave. Où on lit de la poésie le lundi soir. Beaucoup de monde, ça parle surtout anglais. Poèmes, chansons, standup, "anything goes". Très bonne ambiance.
Puis est monté l'invité spécial de la soirée : Bonafide Rojas, un poète du Bronx venu lire des extraits de son bouquin Excelsior. Tellement drôle. Tellement charismatique. Ils appellent ça de la poésie mais c'est des trains de pensées très personnels qui éclatent sur scène.
Il m'a dédicacé son livre. Je l'ai seulement parcouru pour l'instant mais ce qui me plaît : chaque poème est bardé de renvois expliquant les références culturelles. Au cas où vous ne seriez pas vous-même un poète branché de la scène New Yorkaise. Bien vu.
Mon scénario de long métrage The Stagemaster situé en Angleterre (oui, c'est en anglais !) a fini en quart de finale du Los Angeles Screenplay Awards. Pas mal pour un Frenchie :)
Qu’un scénario aussi personnel avec une structure atypique parvienne à se placer dans un concours mainstream, c’est une bonne nouvelle pour la suite.
Je n'y vais pas souvent mais à chaque fois, j'en sors transformé.
Je ne lis jamais les infos : l'auteur, la démarche artistique, les traumatismes familiaux qui l'ont poussé à faire de la céramique sur des vaches, je m'en fous. Je débranche mon cerveau.
Et toujours, je me sens empli d'une gratitude débordante de vivre dan un pays où pour 9€ (tarif auteur SACD, 11€ sinon), on peut ressentir autant de liberté dans un lieu public où l'être humain est bienvenu. À l'heure où les gares ont plus de panneaux publicitaires que de bancs, c'est pas rien.
Trois choses qui m'ont plu – parmi tant d'autres :
1. Pas besoin de public
Les statues regardent les œuvres pendant que les mannequins discutent l'expo. On se demande à quoi sert le public.
2. C'est méta
Il y a toujours une réflexion sur le support. On ne se contente pas de peindre sur du papier, on réfléchit sur les limites du papier, sur son rapport à l'encre, sur sa relation avec le spectateur. Et à chaque fois on se dit : "Ah bon, on a le droit de faire ça ?"
3. La librairie
À chaque fois, je choisis un livre au hasard en regardant les images ou en lisant un paragraphe au milieu. Il y a plus de dix ans, j'avais pris On the inside of Jokes de Nik Christiansen.
Cette année, j'ai pris The Waterfront Journals de David Wojnarowicz – qui apparemment est très connu. J'en suis à la moitié. Ce livre fait boum dans ma tête.
J'aimais bien l'originale et – encore une fois – personne n'a jugé bon de me notifier de cette nouvelle version que vous connaissez tous par cœur et que je découvre seulement cet après-midi :
J'en ai profité pour lire les paroles que je n'avais jamais comprises et qui rappellent un peu Nobody knows tout en gardant une simplicité presque enfantine, notamment :
Went down the hill, the other day Soul got happy and stayed all day
Mes yeux s'embuent à chaque fois que j'entends ce passage.
Je m'apprêtais à écrire un article passionnant sur la composante psychologique de l'effort basé sur ma pratique du rameur à la salle de sport : certains jours, je fais ça en rigolant ; d'autres jours, sur la même machine réglée au même niveau, j'ai l'impression que ça pèse une tonne.
Bien sûr, j'allais explorer en détail les origines psychologiques, neurologiques et physiologiques de ce décalage et tout le monde aurait trouvé mon article drôle, bien documenté et si bien écrit.
Sauf que ce matin, j'ai découvert le pot aux roses.
Lorsque je pose ma serviette sur le rouleau, le tissus empêche l'air en mouvement de sortir et l'aspiration entretient la rotation – ou quelque chose comme ça – de sorte que l'exercice devient beaucoup, beaucoup plus facile. Mais dès que je place ma serviette ailleurs... Bienvenue dans les galères romaines.
Toute ça pour dire que les lois de la physique vous ont épargné un autre article à la con.
Après les photos argentiques et les listes papier, on continue la régression vers Mad Men qui sera suivie, cette année j'espère, par un projet de film très analogique dont je parlerai bientôt.
C'est une Remington Noiseless que j'aime beaucoup mais dont le ruban est difficile à changer et qui ne comporte pas de point d'exclamation. Je les ajoute donc à la main quand je suis très énervé.
Encore allé au théâtre par surprise hier soir où j'ai vu Contre-Temps, de Samuel Sené. Formidable !
Comme un documentaire mais au théâtre : plutôt que des images d'archives et une voix off, tout est narré au présent par deux cantatrices et un pianiste qui retracent la vie – trépidante – du compositeur François Courdot en interprétant ses principales oeuvres.
Au coeur du spectacle, on trouve notamment une interpretation magnifique de "L'air du Froid" de Purcell, dont je vous remets la version de Klaus Nomi ici :
En sortant, je me suis intéressé à ce morceau dont tout le monde connaît la mélodie mais souvent pas les paroles – qui pourraient pourtant sortir tout droit de Games of Thrones :
What power art thou, who from below Hast made me rise unwillingly and slow From beds of everlasting snow? See'st thou not how stiff and wondrous old Far unfit to bear the bitter cold, I can scarcely move or draw my breath? Let me, let me freeze again to death.
Je ne mets pas la traduction française qui est nulle. Démerdez-vous.
Autre détail amusant : je me suis aperçu que la musique du spectacle avait été arrangée par Raphaël Bancou, un ami pianiste que je n'ai pas vu depuis dix ans. Je lui ai envoyé un message et je vais le voir mardi au Rond Point dans Je suis Gréco. La vie, parfois.